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ARTCURIAL PARIS Me Matthieu Fournier
le 22/03/2023 -
PENSIONANTE del SARACENI (actif à Rome vers 1610-1620)
Nature morte avec melon, pastèque, grenade, raisin et autres fruits sur un entablement

PENSIONANTE del SARACENI (actif à Rome vers 1610-1620)
Nature morte avec melon, pastèque, grenade, raisin et autres fruits sur un entablement
- Toile
- 56 x 72 cm
Estimation : 1 500 000 / 2 000 000 €
Bibliographie : Catalogue de l'exposition La natura morta italiana da Caravaggio al Settecento, Florence, Firenze, Palazzo Strozzi, juin-octobre 2003, Electa, pages 162-163 (notice rédigée par Mina Gregori), Catalogue de l'exposition Caravaggio e l’Europa : il movimientoCaravaggesco internazionale de Caravaggio à Mattia Preti, Milan, 2005, p.501, Maria Giulia Aurigemma, I Caravaggeschi percorsi e protagonisti. Il pensionante del Saraceni, 2012, p.553-560, reproduit p.557, Catalogue de l’exposition Carlo Saraceni (1579-1620) Un veneziano tra Roma e l’Europa, Rome, palais de Venise, 2014, sous la direction de Maria Giulia Aurigemma, De Luca Editori d’Arte, publié en 2013 : _ pp. 359 -360, n°84 (notice par Yuri Primarosa, (notre tableau mentionné p.359), _ Michele Nicolaci, Il Pensionante di Saraceni Storiografia di una enigma caravaggesca, pp.371-377 (notre tableau mentionné p.373), Catalogue de l’exposition L’origine della Natura Morta in Italia, Caravaggio e il maestro di Hartford, Rome, Galerie Borghèse, 2017, PP ; 233-235, n°18 (texte par Yuri Primarosa, ill. 18, p.182), Catalogue de l’exposition Caravage à Rome, amis et ennemis, Paris, musée Jacquemart-André, septembre 2018- janvier 2019, p.170, n°28 (simple mention). Le nom de convention de Pensionante de Saraceni a été créé par Roberto Longhi en 1943 dans son article Ultimi studi su Caravaggio e la sua cerchia, publié dans la revue Proporzioni, regroupant alors un un corpus de quatre œuvres caravagesques qui se distinguent toutes par une qualité picturale très élevée, et qui proposent une synthèse entre le réalisme du maître lombard, au clair-obscur très marqué, et une ambiance lumineuse douce et délicate influencée par Carlo Saraceni. Longhi le désigne comme "Pensionnaire" *1 et non comme "élève" ou "suiveur" pour souligner l'indépendance de ce peintre par rapport à Saraceni. Il le juge plus avancé que ce dernier dans son interprétation de la leçon de Caravage dans ses figures (Saraceni n’ayant pas développé le genre de la nature morte). Bien que Longhi à l’époque ait proposé l'hypothèse qu'il pourrait s'agir d'un peintre français (en citant Jean Le Clerc) *2 , sa nationalité, ainsi que son nom, restent inconnus de ce jour *3 . Il donne à Pensionante la Négation de Saint Pierre (Rome, Pinacothèque vaticane), le Vendeur de poulet du musée du Prado à Madrid, le Cuisinier de la galerie Corsini de Florence et le Vendeur de fruits du Détroit Institute of Arts (fig.1). À ce premier groupe, les critiques ont ensuite rattaché une dizaine de tableaux *4 dont la Nature morte avec fruits et carafe de la National Gallery de Washington (fig.2) *5, qui lui est rendue par Fritz Baumgart en 1954. Considéré comme l'un des chefs-d'œuvre des débuts de l’histoire de la nature morte occidentale, celle-ci présente des similitudes évidentes avec notre toile, variation sur le même thème, puisque la poire, la figue, la grappe de raisins sur retrouvent disposées différemment sur les deux peintures. Les dimensions des deux peintures sont les mêmes, au point qu’on peut s’interroger : étaient elles étaient réunies en paire à l’origine ? On y découvre les mêmes passages lumineux nacrés typiques du peintre (Mina Gregori, op. cit.) et aussi sur la partie basse du vendeur de Détroit le melon et la pastèque fendus avec la pulpe bien visible et encore humide, le rendu du volume des pommes. On les rapprochera aussi des natures mortes sur la table et l’étagère du Cuisinier de la Galerie Corsini (fig. 3). La nôtre partage avec ce dernier la même invention géniale du clou isolé sur le mur dont l’ombre permet de creuser l’espace. La place précoce et originale de notre œuvre dans l’histoire de la nature morte en Italie. Le choix des fruits, ou la carafe dans le tableau de Washington, le réalisme avec lequel les objets sont interprétés, l'utilisation de fonds neutres, la sobriété et l'équilibre des dispositions, situent notre peintre comme connaissant bien les premières œuvres du Caravage, telles que le Bacchus de la Galerie des Offices de Florence, le Garçon avec un panier de fruits de la Galerie Borghèse de Rome et la célèbre nature morte de la pinacothèque Ambrosienne à Milan (fig. 4). Datée vers 1597-1600, cette Corbeille de fruits, peinte par Caravage comme un trompe-l’œil pour le cardinal Federico Borromeo *6, joue un rôle révolutionnaire dans la création de la nature morte indépendante *7. Autour de 1600, le genre se diffuse dans toute l’Europe, au Nord (Jan Brueghel, Georg Flegel), en Lombardie (Fede Galizia, Panfilio Nuovolone), en Espagne (Sanchez-Cotán) … Giovanni Pietro Bellori nous apprend que les natures mortes du Caravage ont connu un tel succès qu’elles ont été imitées très rapidement, ce qui est confirmé par les inventaires des collections romaines de la première et la deuxième décennie du XVIIe siècle. Ses disciples s’inspirent des œuvres de jeunesse des premières années romaines de Caravage où des fruits, des fleurs, sont baignés dans une lumière claire et tamisée, décrites avec un réalisme saisissant (le garçon à la corbeille de fruits, Conversion de la Madeleine à Detroit, Madeleine pénitente, Doria Pamphilj), avant que son style ne devienne plus sombre et ténébreux dans la seconde partie de sa carrière. Parmi eux, on compte des peintres d’histoire tels que Cecco del Caravaggio et Bartolomeo Manfredi, par exemple, sur l’entablement en bas des Quatre Saisons (Dayton Art Institute) et d’autres où ce genre constitue une part importante de leur production : Maître de la nature morte de Hartford, Cavarozzi, Gobbo des Carracci, Maître de la nature morte Acquavella *8. Contrairement à ces artistes où les divers éléments sont entassés ou accumulés, la luminosité très contrastée, ici la lumière diffuse semble celle d’un intérieur. Par rapport à Caravage, notre peintre adoucit très légèrement l’aspect le plus crû du maître lombard. Là où ce dernier décrit des fruits gâtés, fanés ou des feuilles déchirées, les trous de vers dans les pommes, Pensionante montre la tranche de la pomme à peine brunie, la poire juste un peu tachée à sa base. Sur un entablement de pierre, les fruits de la fin de l’été, de septembre, se détachent sur le fond neutre. Le réalisme caravagesque, le trompe l’œil, la construction ordonnée et stable, est modulée par de nombreux détails courbes tels que la vrille ondulée du pédoncule de la tige de la vigne, en arabesque au centre de la toile, la pastèque crènelée, sa chair rose émaillée de grains noirs, le découpé des feuilles, ou le pépin de raisin posé à droite. Autant de détails qui donnent un certain désordre, une présence forte, évoquant la vie réelle. Les volumes sont modelés subtilement, éclairés d’une touche de lumière blanche, légèrement plus en pâte, en forme de grains de riz (notamment sur la poire). Les natures mortes de Pensionante de Saraceni se caractérisent par un savant équilibre des volumes géométriques où chaque élément est séparé, qui ne sont pas liés comme dans celles de Bartolomeo Cavarozzi, mais habilement structurés selon le rythme des pleins et des vides, de volumes abstraits qui lui donnent une modernité qui n’est pas sans évoquer Cézanne (fig. 5). 1. Au sens de pensionnaire indépendant au sein de l’atelier. Le terme ne signifie pas qu’il loge chez Saraceni. 2. Giovanni Baglione a écrit sur la francophilie de Carlo Saraceni, comme voulant toujours s’habiller comme un Français, bien qu’il ne soit jamais allé en France, ni prononcé un seul mot de Français. 3. Chiara Marin a tenté de l’identifier à l’artiste espagnol Juan Bautista Maino qui était à Rome entre 1604 et 1611. 4.Citons parmi ses tableaux de figures à sujet religieux, les deux versions du Reniement de saint Pierre (Douai, musée de la Chartreuse et Rome, Pinacothèque Vaticane), le Christ parmi les docteurs aux Musées du Capitole à Rome et deux Saint Jérôme, un au Musée des beaux-arts du Canada à Ottawa, un autre en collection particulière. 5. Attribuée par Roberto Longhi au Caravage lui-même. 6. Il l’a probablement commandé lors de son séjour à Rome, voir Maria Cristina Terzaghi, Tracce per la Canestra e la natura morta al tempo di Caravaggio. In Alessandro Zuccari (a cura di), Il giovane Caravaggio “sine ira et studio”, Rome, De Luca Editori d’arte, 2018,pp. 109-121. 7. L’Assiette en argent avec pêches et feuilles de vigne de Giovanni Ambrogio Figino serait légèrement antérieure, vers 1591-1594. 8. Parfois identifié à Cavarozzi.
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PENSIONANTE del SARACENI (actif à Rome vers 1610-1620)
Nature morte avec melon, pastèque, grenade, raisin et autres fruits sur un entablement
Toile
56 x 72 cmEstimation : 1 500 000 / 2 000 000 €