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BAECQUE - d’ OUINCE Mes de
le 31/03/2023 -
SIMONE DA FIRENZE et ROCCO (ROCHO) DI BARTOLOMEO Peintres florentins travaillant en Ligurie vers 1500
LA VIERGE EN TRÔNE TENANT L’ENFANT, ENTOUREE DE QUATRE ANGES MUSICIENS dite MADONE DE BRANDO

SIMONE DA FIRENZE et ROCCO (ROCHO) DI BARTOLOMEO Peintres florentins travaillant en Ligurie vers 1500
LA VIERGE EN TRÔNE TENANT L’ENFANT, ENTOUREE DE QUATRE ANGES MUSICIENS dite MADONE DE BRANDO
- Panneau de peuplier à cadre inclus
- 198 x 94,8 cm
- Fentes au panneau visibles. Le tableau a été restauré par E.C. Daussigny (1805-1878) peintre, écrivain et conservateur du musée de Lyon. Actuellement, la surface picturale présente des soulèvements, principalement au niveau de la jonction des planches et dans le manteau de la Vierge. Au revers, présence de deux traverses en bois modernes et traces de deux traverses anciennes placées à contre-fil. Numéro 45 tracé à la peinture noire. Fond d’or et ornementation poinçonnée d’origine.
Estimation : 200 000 / 300 000 €
Peinture mixte sur fond d’or guilloché, sur panneaux de bois, cadre en bois sculpté et doré gothique avec arcades polylobées retombant sur des colonnettes torses et surmontées de gâbles. Inscriptions dans le coin inférieur gauche du panneau, en lettres classiques tracées à la peinture noire sur parchemin ou papier déchiré en trompe-l’œil : OPUS SIMONE PIT[…] /ET ROCHO FI[…]/ADI XI DAPRI[lis]/A[nno]D[omini]M.CCCC[c] EXPOSITIONS J .B. Giraud, Recueil descriptif et raisonné des principaux objets d’art ayant figuré à l’exposition rétrospective de Lyon 1877, 1878, p.5, le panneau y est décrit sous le numéro 152 BIBLIOGRAPHIE Sur le panneau de la Madone voir : L. Demonts, op.cit. infra, p.248, comme Ecole vénitienne vers 1500 G. Algeri, A. de Floriani, La pittura in Liguria, Il Quattrocento, 1992, p. 431, fig.396, n.53 suiveur de Giovanni Mazone O. Lavino, « Ricomposizioni per Simone da Firenze », in Arte Cristiana, 919, 7/8 2020, p.280-303 Sur la collection Chalandon voir : G. Migeon, « La collection de Monsieur Georges Chalandon » Les Arts, Juin 1905, p.20 L. Demonts,« Une collection française de Primitifs » Revue de l’Art Ancien et Moderne,LXX, 1936, p. 247-250 J.F. Garnier, « Le goût du Moyen-Age chez les collectionneurs lyonnais du XIXe siècle » Revue de l’Art, 1980, n°47, p.53-64, p.58 D. Thiebaut, « Berenson, Sassetta …et la France» Renaissancestudies in Honor of Joseph Connors, The Harvard University Center for Italian Renaissance Studies, Villa I Tatti, 2013,p.702-713 DESCRIPTION et FORTUNE CRITIQUE Placé sur un carrelage à dessins géométriques peints en perspective, le trône accueillant la Vierge et l’Enfant détache sa haute structure architecturée sur le fond d’or estampé. Devant les niches ménagées sur les bras de ce trône, l’artiste a installé, de chaque côté, un petit ange musicien assis, celui de gauche jouant de la harpe, celui de droite frappant un tambourin. Au pied du trône, de part et d’autre du manteau de la vierge, placés sur le proéminent piédestal orné de grotesques, deux autres anges jouent du luth et du rebec. La Vierge, assise au centre de la composition, dirige son regard vers le spectateur. Un ample manteau bleu bordé d’un galon ornementé la recouvre presque totalement, s’ouvrant à peine pour dévoiler une somptueuse robe rouge et or, aux larges motifs de velours frappé. Sur son genou gauche, Elle tient l’Enfant totalement dénudé, qui enferme dans ses mains un chardonneret, symbole de la Passion, auquel il ne semble pas prêter attention, préférant dialoguer avec l’Ange placé à ses côtés. Apparu à l’exposition de Lyon en 1877,le panneau, présenté alors par « M.E. Chalandon » (Emanuel) est décrit par Giraud (op.cit) qui le juge parmi les pièces les plus intéressantes « avec son cadre du temps, orné d’un couronnement architectural en pâte dorée ». Est également mentionnée l’inscription ainsi transcrite : « OPUS SIMONE PIT…/ ET ROCHO FIG[lio] / A.DI.XI DAPRI[le] /AN MCCCC »sans plus de précisions concernant les auteurs, mais notant l’étonnement de M.A. Darcel, l’un des exposants, devant le style « jurant avec la date » Rarement montré par la suite, ce panneau n’a pas retenu l’attention des critiques sauf celle de Louis Demonts qui, en 1936, le jugeait de « l’Ecole vénitienne vers 1500, intermédiaire entre Schiavone et Alvise Vivarini » tout en remarquant des analogies avec deux autres Madone et enfant et anges musiciens. Le premier des deux panneaux similaires est conservé au musée des Beaux-Arts de Dijon (N°inv.CA 32) et est traditionnellement attribué à l’école de Vicenzo Foppa (1430-1515). Cette Vierge à l’Enfant entourée de six anges musiciens reprend le thème du concert céleste, si cher à la Renaissance. S’y retrouve un même traitement des volumes que pour la Madone de Brando avec une différence notable concernant le traitement des fonds. Pour l’œuvre de Dijon, la richesse de l’architecture feinte - et sa perspective - apparaît comme un véritable travail d’orfèvre et semble déjà rompre avec la tradition du fond d’or pour se tourner vers les innovations du XVIe siècle. La seconde comparaison est une œuvre conservée à la Galerie Nationale de Parme ( N° inv GN A), anciennement conservée au Dôme de la cité, réalisée par Critoforo Caselli (1460-1521). Cette imposante pala de plus de trois mètres de haut et peinte en 1499 offre en comparaison avec la Madone Brando, une étape de plus vers la conquête de la perspective. La Vierge apparaît au milieu d’une architecture virtuose où se presse une sainte foule composée d’anges, de saint Jean Baptiste et saint Hilaire. La richesse des brocarts et des tissus d’orient rappelle subtilement l’école vénitienne et ses échanges commerciaux. Dieu le Père surplombe la composition dans une perspective raccourcie pleine d’audace. En regard, la Madone de Brando est toute douceur et sérénité, elle emprunte la nouveauté des formes et des corps, tout en gardant, semble-t-il, l’esprit tourné vers la tradition vénitienne plus gothique. En ce sens, elle apparaît comme un jalon entre les deux œuvres de Dijon et de Parme. Cette attribution n’a pas été retenue par Giuliana Algeri et Anna De Floriani (op.cit) qui évoquent à nouveau cette œuvre (1992) ignorant qu’elle se trouvait encore chez les descendants d’Albin Chalandon. Elles considèrent ses auteurs « Simone et Rocho » dont on ne savait rien alors, comme suiveurs de Giovanni Mazone (1453-1510) peintre originaire d’Alessandria en Piémont, actif à Savone et à Gênes où sa famille était installée depuis longtemps. Gian Luca Zanelli (La pittura in Liguria, Il Cinquecento, dir. E.Parma, Gênes 1999, p.407,412) a retrouvé depuis la mention des signataires de l’œuvre dans l’ouvrage de Fedrigo Alizeri qui fait état d’un « Simone di Petriano » et d’un «Rocco di Bartolommeo, fiorentini » auxquels le gouverneur et le conseil des anciens de Gênes ont octroyé, entre 1504 et 1506, un sauf-conduit d’un an. Zanelli précise que ces deux peintres sont effectivement les auteurs qui signent conjointement vers 1500 la Madone et l’Enfant en trône, dite ici « Madone de Brando » de la collection Chalandon. On doit récemment à Orazio Lovino (op.cit) une étude approfondie de l’activité de Simone da Firenze qui, originaire de Toscane, serait venu travailler d’abord en Ligurie où il réalisa au début du XVIe siècle, en compagnie de Rocco di Bartolomeo, également florentin, la Madone de Brando, avant de se rendre dans le sud de l’Italie, en Basilicate, où maître d’un atelier, il signe en 1523 : M(agiste)R SIMO(n) D(e) FLORE(n)TIA sur le grand retable de Santa Maria degli Angeli à Senise, ville proche de Potenza. Outre la Madone Brando, dont le fond d’or orné de losanges guillochés est typique de la technique des ateliers ligures de la fin du XVe, O. Lovino estime que Simone réalisa à Gênes vers 1500 deux autres panneaux présentant les mêmes caractéristiques techniques et stylistiques : Un Saint Michel combattant l’ange déchu (Milan, collection Saibene) et une Sainte Catherine d’Alexandrie (Galleria Robilant-Voena) provenant d’un même retable. Ces panneaux seraient donc, jusqu’à plus ample informé, les trois seules œuvres connues que Simone, encore jeune peintre, aurait réalisées en Ligurie, avant de se rendre en Basilicate où il travailla comme « Maître » pendant la première moitié du XVIe siècle. LA SIGNATURE DE LA MADONE BRANDO On remarquera que les différentes lectures de la signature de la Madone Brando présentent certaines anomalies : celle de J.B Giraud, lors de l’exposition de 1877, mélange des termes latins (opus) aux mots italiens (figlio, aprile) et transcrit de façon erronée les lettres A(nno).D(omini) en AN(no) conservant la date de 1400 qui, remarqua M.A Darcel, ne correspondait pas au style de l’œuvre. La lecture qu’en ont donnée G. Algeri et A. de Floriani: « OPUS SIMONE PIT. ET ROCHO FI(lio ?) ADI XI AP(prilis) A .D MCCCCC » les ont conduites - comme J.B. Giraud en 1877 - à voir en Rocho, le fils de Simone. Une autre interprétation estime que « Simone » était le nom du peintre et «Rocho »celui du doreur-graveur. Cette hypothèse n’est pas du tout à écarter si, comme le suggère Giulia Giustiniani, il faut lire en latin: « OPUS SIMONE PIT(oris)/ ET ROCHO FI(guratoris)/ A DI XI DAPRI(lis)/ A(nno) D(omini) M.CCCC (c) » La lettre tronquée qui suit FI présente un ductus courbe et non droit et doit être reconnue comme un G (figuratoris) et non comme un L (filius). Quel rôle a rempli Rocho s’il était figurator ? La traduction de ce terme selon F. Gaffiot « celui qui donne une forme, qui façonne » nous induit à penser que Rocho qui, comme Simone, est qualifié de « peintre » et non de « garzone » (i.e aide) par le document cité par Alizeri, exécuta les parties ornementales du fond d’or et sans doute celles du trône dont la facture semble peut-être un peu moins raffinée que celle de la robe de la Vierge, réalisée par Simone. A ce dernier, cité en premier dans la signature, revient, selon nous, la composition et l’exécution de tous les personnages. Quant à la date, si on déchiffre aisément le M et les quatre C, de 1400, le cinquième C demeure hypothétique, mais tout à fait vraisemblable, compte tenu du peu d’espace restant pour inscrire d’autres lettres et du style de l’œuvre. Celle-ci daterait donc de 1500. Cette signature (qui n’est pas un ajout postérieur) est placée au bas du panneau, à gauche du trône, et fait partie intégrante de l’image religieuse. Elle est formée en majorité de lettres classiques peintes en noir, mêlées aux lettres gothiques A(nno) .D(omini). Elles sont tracées,sous la forme d’un « cartellino », sur un lambeau de papier ou de parchemin, à demi lacéré, peint en trompe-l’œil. Ni ce mélange de deux graphies, ni l’aspect fragmentaire de leur support ne semblent importer à « Simone et Rocho ». Tout ceci nous prive d’une identification précise de l’auteur et de la date de l’œuvre, dénotant une certaine désinvolture ou fantaisie de la part du peintre, qui semble vouloir fausser la réalité en introduisant un doute, laissant le lecteur dans la perspicacité et l’ambigüité. A-t-il voulu nous tromper, nous mystifier en nous laissant devant une réalité à demi dévoilée ? Etait-ce une volonté d’affirmer sa maîtrise dans l’expression de cette réalité ? Nous pensons plutôt que les peintres utilisant souvent des formules quelque peu stéréotypées que tout le monde connaissait, ces inscriptions pouvaient être aisément décryptées, même si elles étaient mutilées. Rappelons qu’au Moyen Age, les peintures ornant les églises, sont rarement signées, étant considérées comme une entreprise d’exaltation religieuse, devant lesquelles le fidèle prie et reçoit en retour des bienfaits. Dans cette entreprise, le peintre, avec un ou plusieurs aides travaillant en atelier, représentant en image la divinité indicible, est également lié au pouvoir cathartique de cette image sacrée. L’artiste a reçu une mission quasi-divine et, conscient de sa faiblesse humaine, il se place toujours sous la protection de Dieu pour accomplir son œuvre. La dévotion rendue à l’image pieuse purifie donc le fidèle ainsi que l’homme qui a reçu le pouvoir de la représenter. C’est ainsi que sa signature, lorsqu’elle existe, se place hors du champ sacré de l’image, en général sur le cadre du tableau, tel Giotto signant le Saint François recevant les Stigmates (Louvre) « Opus Iocti Florentini » . Parfois même, le peintre s’efface devant le tableau, qui prend alors la parole , à l’exemple de Simone Martini qui signe en 1317 « Symon de Senis me pinxit » sur la prédelle du retable de Saint Louis de Toulouse (Naples, Museo di Capodimonte). A la fin de la période gothique, les peintres prennent conscience de leur personnalité artistique et de leur notoriété, et leur signature s’immisce dans le champ de la représentation sacrée. Ainsi Giovanni da Milano (originaire de Côme mais documenté à Florence de 1346 à 1349) signe et précise son origine lombarde dans la Lamentation (Florence, Galleria dell’ Accademia) : « Io giovanni da melano depinsi questa tavola in MCCCLXV » (moi, Giovanni de Milan j’ai peint ce tableau en 1365). Poursuivant cette évolution, la signature se place progressivement sur les éléments architecturaux des trônes où siègent la Vierge et l’Enfant, avant de s’introduire totalement au sein de l’image sacrée. A cet égard, on citera Giovanni d’Alemagna (1411-Padoue1450) et Antonio Vivarini, son beau-frère (Murano vers 1420-Venise 1470) qui, en 1446, signent conjointement le triptyque de la Madone en trône et les quatre docteurs de l’Eglise (Venise, Galleria dell’ Accademia) sur le piédestal du trône de la Madone (M/4/46 IOHANNES /ALAMANUS ANTONIUS / D/ MURIANO.. Allant plus loin dans cette appropriation de leurs œuvres, c’est à l’époque de la Renaissance, sous l’influence du retour à l’Antique auquel se mêlent les nouveaux apports de la peinture flamande, que l’esprit humaniste et naturaliste pénètre chez les peintres italiens. Leur personnalité s’affirme pleinement dans la représentation des scènes religieuses, s’y introduisant sous forme d’auto-portrait dissimulé parmi les assistants ou bien sous celle d’une véritable signature. Cette dernière s’inscrit alors sur une banderole rappelant un phylactère déroulé ou bien sur un « cartellino » sorte d’étiquette, morceau de papier quadrangulaire, souvent froissé, déplié ou corné, où figure parfois la date d’exécution de l’œuvre et s’insère librement sur la surface picturale, selon la fantaisie de l’artiste. En respectant la réalité physique de ce support plus ou moins malmené, la lecture peut en être rendue difficile. Pour sa part, Giovanni Bellini (Venise vers 1430-1516) qui signe le plus souvent en capitales classiques : « IOANNES BELLINUS», conserve encore l’habitude de l’introduire sur un élément de l’architecture de la peinture, comme le parapet derrière lequel se tient la Vierge (Madone Morelli, Bergame, Galleria dell’ Accademia Carrara) ou le côté d’un autel (Circoncision, Londres, National Gallery) . Il choisit aussi de l’accrocher plus librement à la branche d’un arbre mort (Saint François en extase, New York, The Frick Collection) ou de la placer sur la surface rugueuse d’un rocher (Baptême du Christ, (Vicence, Eglise Santa Corona). De même, dans la Rencontre des pélerins avec le pape Cyriaque, une des scènes du cycle de Sainte Ursule de 1490 (Venise, Galleria dell’ Accademia) Vittore Carpaccio (Venise 1465-1525) qui signe VICTORIS/ CARPATIO VENETI/OPUS, accroche sa signature à un tronc coupé. Cette habitude abondamment utilisée par les peintres vénitiens de la seconde moitié du XVe siècle,sera diffusée en Toscane, puis dans l’Italie du Nord et trouve sa source sans doute à Padoue au début de ce siècle, dans les pratiques d’atelier de Francesco Squarcione (Padoue 1397-1474) peintre et sculpteur padouan, collectionneur d’antiques. En effet, les nombreux artistes fréquentant cet atelier produisirent des œuvres, peintes ou sculptées, souvent des copies d’œuvres plus importantes, qui étaient identifiées par des « cartellini », petites étiquettes portant le nom de l’artiste exécutant. A cet égard, Andrea Mantegna,qui passa par l’atelier de Squarcione, l’utilisa pour établir l’authenticité de sa Sainte Euphémie (Naples Museo di Capodimonte) (cf .M. Meiss, « Toward a more comprehensive Renaissance Paleography » The Art Bulletin, Juin 1960, Vol.XLII, p. 97-112 et Z. Wazbinki, « IL cartellino » origine et avatars d’une étiquette, in Pantheon, Internationale Zeitschriftfür Kunst, Munich 1963, p.278. STYLE Les auteurs de la Madone de Brando, bien que florentins d’origine, ont sans doute été sensibles aux influences de la peinture vénitienne contemporaine notées supra, mais leur culture est beaucoup plus proche des pratiques des ateliers génois de la fin du XVe siècle, trahissant plutôt leur venue précoce en Ligurie. Ils appartenaient vraisemblablement à l’une des ces nombreuses « botteghe » génoises (ateliers) souvent dirigées par des étrangers (Simone n’était pas encore Magister) principalement des lombards ou des niçois, (Carlo Braccesco, Vincenzo Foppa, Ludovico Brea, Giovanni Mazone) et dans le cas présent des florentins, pour ne citer que les peintres qui oeuvrèrent au XVe siècle au développement artistique des cités de la république génoise, tant dans le domaine architectural, sculptural que pictural des édifices publics, privés, civils ou religieux. La présentation de la Vierge assise sur un trône architectural monumental, peint sur un panneau cerné d’un cadre somptueux en bois sculpté et doré reprenant la forme d’un triptyque, rappelle les pratiques des ateliers génois de la fin du XVe siècle dont le style oscille entre le gothique finissant et la Renaissance. Ces grandes compositions montrant la Madone et l’Enfant assis sur d’imposants trônes architecturés où prennent place des anges musiciens ou des « putti » semblent provenir des modèles lombards et seront diffusés au XVIe siècle à Naples et dans tout le sud de l’Italie, jusqu’en Espagne. Citons les exemples du lombard Vincenzo Foppa, dont le plus prestigieux est celui qu’il réalisa en 1490 et que termina Ludovico Brea, destiné à l’ancien Dôme de Savone (Savone, Oratoire de Santa Maria di Castello ) à la demande du cardinal Giuliano della Rovere (1443-1513) neveu du pape Sixte IV. (cf. V. Castelnovi, La Pittura a Genova e in liguria dagli inizi al cinquecento, Gênes 1987, p.83-84, fig. 74-76). C’est également pour ce même cardinal que Mazone réalisa en 1489 le retable destiné à la chapelle funéraire de la famille du pape, située dans le couvent de San Francesco de Savone, qu’il signe sur un « cartellino » posé à même le sol, devant l’Enfant : JOH(an)NES MAZONUS DE ALEX(andri)A PINXIT (cf. Algeri, Floriani, fig.264 et M. Laclotte, E. Moench, Peinture italienne, Musée du Petit Palais, Avignon, Paris 2005, n°190, p. 154-155, repr.) Ainsi l’attribution de la Madone Brando proposée par les auteurs cités supra, à deux suiveurs de l’entourage de Giovanni Mazone, trouve sa justification dans le choix de l’iconographie, de la composition et du style. Mazone et l’un de ses suiveurs les ont utilisés pour orner vers 1470, le centre de deux retables : celui de l’église Nostra Signora delle Vigne à Gênes ou celui actuellement conservé au Bass Museum de Miami Beach (cf. Algeri, Floriani, respectivement figs.258, 267). En témoignent également le vocabulaire ornemental du fond d’or quadrillé bloquant toute perspective, la position des angelots musiciens sur les montants du trône parés de motifs décoratifs en spirales et circonvolutions rappelant le décor des « caminate » salles de palais génois de l’époque ainsi que l’attention particulière portée à l’imitation des brocarts, d’origine flamande ou vénitienne, couvrant la Vierge et traités en glacis. L’imposante stature de la Vierge, la rondeur des formes, la placidité des attitudes des anges, les motifs ornementaux créent la même ambiance de calme et d’apaisement que celle des œuvres précitées de Mazone. Il demeure vraisemblable que « Simone et Rocho » subirent cette influence lors de la réalisation du tableau (sans doute centre d’un retable dont témoignent les traces de traverses anciennes au revers) que leur commanditaire, personnage en vue, destinait à l’édifice religieux qu’il désirait honorer à Gênes ou en Corse ligure où il devait avoir des intérêts et comme sa localisation assurée au XIXe siècle pourrait le laisser penser. HISTORIQUE Albin Chalandon (1809-1885), polytechnicien de formation, eut une carrière militaire en tant que capitaine dans l’arme du Génie. Fils d’Antoine Chalandon (1768-1832) maire de Lyon et administrateur des hospices civils de Lyon, il était l’héritier d’une importante famille lyonnaise. Il collectionna notamment les primitifs italiens, se constituant une importante collection à Parcieux dans l’Ain où il décéda. Formée essentiellement de peintures et d’objets d’art de l’époque médiévale, la collection Chalandon a compté depuis la fin du XIXe siècle de nombreux chefs-d’œuvre, pour certains distillés petit à petit, avec parcimonie, sur le discret marché de l’art pour aboutir in fine aux cimaises des grands musées. On citera notamment parmi les œuvres les plus prestigieuses de la collection, le Calvaire de Jean de Beaumetz, Louvre, les scènes de la vie de saint François de Sasseta, Londres National Gallery et la Rencontre de saint François et saint Dominique, de Fra Angelico au musée de San Francisco. L’un des aspects fascinants de la Madone de Brando est la richesse de sa provenance. Les notes rédigées par Albin Chalandon nous informent, outre de ses recherches en Histoire de l’Art, des conditions dans laquelle il a acquis l’œuvre en 1839 : Il découvre ce tableau en 1837 dans le village de Brando, situé à cinq ou six kilomètres au nord de–Bastia et note :« il appartenait jadis à la chapelle d’un couvent franciscain situé dans le voisinage. Il est probable qu’il avait été offert comme ex-voto par quelque négociant génois. J’en ai fait l’acquisition en 1839 avec l’autorisation de l’évêque d’Ajaccio. Une importante opération de consolidation a été exécutée pour ce tableau avec beaucoup de connaissance et de talent par M. E. C. Daussigny » Ces quelques lignes sont d’une richesse extraordinaire, elles permettent au lecteur d’imaginer le collectionneur lyonnais en ce début du XIXe siècle parcourant la Corse, mais surtout d’intégrer l’œuvre dans son contexte. La présence franciscaine dans l’ancienne paroisse de Brando est largement attestée. Non sans romantisme – nous sommes à l’époque de Prosper Mérimée (1803-1870) lorsque Chalandon découvre l’œuvre – le collectionneur évoque dans ses notes l’hypothétique don de négociant génois alors présent dans la région. Albin Chalandon, dans ses notes, rapprocha la Madone de Brando de la production de Simone dei Crocefissi (1330-1399), peintre bolonais, se laissant sans doute influencer par la richesse des fonds d’or et l’archaïsme feint que cela peut induire. Les progrès en Histoire de l’Art ont depuis situé l’artiste bien plutôt que la fin du XVe siècle à laquelle Chalandon pensait que le peintre appartenait. Restée depuis 1839 dans la descendance du collectionneur lyonnais, cette œuvre des premières années du XVIe siècle, est un incroyable témoignage : celui de la vivacité des échanges entre les centres de productions vénitiens, lombards et ligures et les régions comme l’actuelle Corse, alors génoise, mais gérée par la puissante banque de l’Office de Saint Georges, mais aussi un témoignage de l’innovation entre tradition et modernité dont faisaient preuve les ateliers de l’école ligure en matière de production picturale. 1. Décret du 30 mai 1806 qui disposait : « Les églises et presbytères qui, par suite de l’organisation ecclésiastique, seront supprimés, font partie des biens restitués aux fabriques et sont réunis à celles des cures ou succursales dans l’arrondissement desquelles ils sont situés ; ils pourront être échangés, loués et aliénés au profit des églises et presbytères des chefs-lieux ». 2. F. Alizeri, Notizie dei professori del disegno dalle origini al secolo XVI , Liguria, Gênes 1874, Vol. III, p. 221 3. F. Gaffiot, Dictionnaire illustré Latin Français, Paris 1934, ad.voc. 4. A. Chastel, « l’Iconographie du retable » cours professé au Collège de France, Paris, dans les années 1970 5. Sur ce type d’ornementation agrémentant les portes et les façades, cf. W. Kruft, Portali genovesi del Rinascimento, Florence 1971 6. A. Chalandon fait ici un raccourci, notre tableau provient en réalité du Couvent Saint-François de Castello construit en 1474 et abandonné après la Révolution, il était alors occupé par les Récollets. L’ordre des Récollets étant une émanation de l’ordre des Franciscains, un ordre réformé qui a reçu l’approbation papale en 1601, le couvent n’était plus un couvent franciscain.
BAECQUE - d’ OUINCE Mes de
le 31/03/2023 -
Giovanni Antonio PELLEGRINI (1675 - 1741)
Jeune femme en Flore allégorie du printemps

Giovanni Antonio PELLEGRINI (1675 - 1741)
Jeune femme en Flore allégorie du printemps
- Toile ovale
- 94 x 66 cm
Estimation : 20 000 / 30 000 €
Nous pouvons rapprocher notre jeune femme en Flore des deux allégories de l’été et du printemps de la collection Giustiniani à Venise (toiles 66 x 52cm) rep.in Antonio Pellegrinini, il maestro vénère del Rococo allé Corvi d’Europa, Alessandro Bettagno1998, n°s 45-46 p.189.
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- BAECQUE - d’ OUINCE Mes de
Le 31/03/20232 tableaux
SIMONE DA FIRENZE et ROCCO (ROCHO) DI BARTOLOMEO Peintres florentins travaillant en Ligurie vers 1500
LA VIERGE EN TRÔNE TENANT L’ENFANT, ENTOUREE DE QUATRE ANGES MUSICIENS dite MADONE DE BRANDO
Panneau de peuplier à cadre inclus
198 x 94,8 cmEstimation : 200 000 / 300 000 €
Giovanni Antonio PELLEGRINI (1675 - 1741)
Jeune femme en Flore allégorie du printemps
Toile ovale
94 x 66 cmEstimation : 20 000 / 30 000 €