Turquin

Vendredi 13 déc. 2024 - LIBERT - Paris

Jean-Baptiste GREUZE (1725-1805)

Diane

Toile

46.5 x 38.5 cm

<p>Signé en haut à droite<i> JB Greuze</i>  et daté <i>1760</i></p><p>Au dos plusieurs étiquettes dont une de la galerie Wildenstein </p>

Estimation : 60 000 - 80 000 €

Provenance :

- Collection Jean Georges Wille (1715-1808); - vente Graupe Berlin 26 septembre 1930 puis; - Galerie Wildenstein , New York; - vente New York (Hirschl & Adler) 25-26 mars 1949, lot 326; - vente Paris, Drouot Rive Gauche, 11 juillet 1978, Me FERRI, avec Callisto sous le N° suivant; acquis à cette vente par les propriétaires actuels.


Bibliographie: Camille Mauclair, H. Piazza et Cie, Jean Baptiste Greuze,  Paris, 1908, n° 524, Diane.

Le tableau a été gravé par Gaillard avec le titre : Diane, Tiré du cabinet de M. Wille graveur du roi.

Malgré l'absence du traditionnel croissant, attribut de Diane, nous reprenons le titre donné par la gravure de Gaillard.

 

''En juillet 1760, Greuze m'a livré un buste de femme, vue presque de profil, un ruban rouge entoure par derrière la tête ses cheveux qui tombent sur ses épaules. Le corselet est rouge et les manches sont jaunes; le fichu de mousseline rayé de rouge est noué en croix sur la gorge" (G. Duplessis, Journal de Wille). 

" Wille était l'ami, le véritable ami, et non l'envieux intime des talents faciles et charmants de son temps. Dans sa collection, bien des tableaux, biens des dessins, révélaient une bonne action, attestaient un service, marquaient une reconnaissance, rappelaient un de ces liens que la mort seule avait pu briser. Depuis les vieilles bouteilles de vin que le jeune homme vidait aux Gobelins avec le vieux Parrocel, jusqu'au chocolat matinal qu'offrait madame Greuze au vieillard, - les années de Wille s'écoulent dans une confraternité loyale et cordiale avec toutes les célébrités de son temps; et il fait plaisir à regarder de quelle affection et de quelle admiration sincère l'ami Wille entoure l'ami Greuze, ce peintre profond et solide, ainsi qu'il l'appelle Greuze et Wille ! les deux vieux amis, les deux vieux cœurs unis! voyez-les en visite chez la nourrice de la petite Greuze! voyez Greuze tracer de ses pinceaux les meilleurs la face fine et bienveillante de Wille!  et voyez-les tous deux perchés sur une échelle, confessant le nez sur la toile, les Rubens du Luxembourg, théorisant de conserve et sans querelle à douze pieds au-dessus de terre - et des jugements du dix-huitième siècle! "... (Mémoires et journal de Jean Georges Wille, graveur du roi, publié d'après les manuscrits autographes de la bibliothèque impériale par Georges du Plessis avec préface d'Edmond et Jules de Goncourt, Paris, 1857).

À partir des années 1760, Jean-Baptiste Greuze se distingue par ses études de têtes, dans lesquelles il excelle à capturer les émotions humaines avec une grande finesse et une psychologie intense. Ces œuvres qui ont souvent pour modèle des jeunes filles ou des enfants, reflètent une sensibilité exacerbée et des expressions marquées, servies par une maîtrise technique remarquable. Leur succès ne se limite pas au grand public : elles suscitent également l’enthousiasme des critiques, notamment Denis Diderot, qui loue leur vérité psychologique et leur beauté morale. Dans la même lignée, l'instauration en 1759 du Prix de la meilleure tête d’expression par le comte de Caylus (1692-1765) illustre bien le goût de l’époque pour ce type de tableaux.

 

Les gravures en pendant de Diane et Callisto, réalisées par Gaillard qui portent la lettre du cabinet de Jean-Georges Wille, confirment que les deux tableaux figuraient ensemble dans la collection de ce dernier. Le tableau de Diane fut livré à Monsieur Wille en juillet 1760, comme l’indique son journal, tandis que celui de Callisto fut exposé au Salon de 1761 comme Tête de nymphe de Diane (n°103), et acquis par Wille avant ou après ce salon.  

 

Ainsi, au Salon de 1765, le dernier auquel Greuze participe, Diderot manifeste son plaisir en contemplant une étude pour La Mère bien aimée, prêtée par le baron Pierre Joseph Victor de Besenval, inspecteur général des Suisses et Grisons. Il s’extasie : « C'est encore une assez belle chose. Il y a tout plein de vérité de chair, et un moelleux infini. Elle est bien par plans, et grassement faite ; cependant un peu grise ; les coins de la bouche qui baissent, lui donnent un air de douleur, mêlé de plaisir » (Seznec et Adhémar, 1957-1967, II, p. 107). Fervent défenseur de Greuze, Diderot loue dans ses écrits la profondeur psychologique et la beauté morale des œuvres du peintre, dans ses critiques des Salons, il souligne l’habileté de Greuze à donner à ses figures une dimension universelle tout en respectant une vérité presque naturaliste.

 

Ces peintures de Greuze, plus que de simples portraits, transcendent leur fonction pour devenir des études d’états d’âme universels. Leur intensité émotionnelle, appuyée par un traitement subtil des lumières et des volumes, les rapprochent du théâtre et du roman sentimental, témoignant de la sensibilité préromantique qui imprègne son œuvre. Greuze y déploie un talent qui résonne avec les goûts de son époque, tout en annonçant l’esthétique du siècle à venir.  

 

 

Notre tableau a été demandé en prêt pour l'exposition Jean Baptiste Greuze qui se tiendra au petit Palais de Paris en 2025.