Turquin

Mardi 26 nov. 2024 - ARTCURIAL PARIS - Paris

Begnine GAGNERAUX (Dijon, 1756 - Florence, 1795)

Tête de cheval pommelé

Sur sa toile et son châssis d'origine

74.5 x 60.2 cm

Signé et daté en bas à gauche 'B. Gagneraux. 1787.'

Estimation : 100 000 - 150 000 €

Provenance : Inventaire après décès de l'artiste à Florence, le 2 septembre 1795, n°10 : Deux tableaux peints sur toile où sont deux têtes de cheval, bordures dorée, larges 1 brasse et hauts 1 br. et 1/3",

En 1849, le tableau est prêté par le petit-neveu de l'artiste l'architecte "Chevrot-Gagneraux", il est le fils d'Agathe Gagneraux, elle-même sœur de l'artiste.

Par descendance jusqu'au propriétaire actuel.


Bibliographie et exposition :
Dijon, 1849 : Explications des ouvrages présentés à l'exposition de la société des amis des arts de Dijon ouverte au musée de la ville, sous le n°273, Bénigne Gagneraux (1756-1795) un peintre bourguignon dans la Rome néo-classique, Dijon, Musée des Beaux-Arts de Dijon, juin-septembre 1983, p.111, repr. Fig.17 (notice par Sylvain Laveissière).
Birgitta Sandström, Bénigne Gagneraux, Edsbruk, Holms Gärds Tr, 1981, p. 256.
Birgitta Sandström, Bénigne Gagneraux 1756-1795 : éducation, inspiration, œuvre, Thèse de doctorat à l’université de Stockholm, 1981, p. 136-137, n° 10b, reproduit fig. 37.

 

Notre toile est l'un des six extraordinaires "portraits" de chevaux qui permettent de définir Bénigne Gagneraux comme le grand peintre sur ce sujet, entre Stubbs et Géricault. Au début de l'année 1786, les Etats de Bourgogne commandent à  notre artiste deux grandes toiles, La Bataille de Seneffe et Le Passage du Rhin à Tholhuis (Dijon, musée des beaux-arts), pour une série de six grands formats illustrant les victoires du Grand Condé, dans le but de décorer leur palais de Dijon. Leur but était de rendre ainsi hommage à la famille du gouverneur de la province, Louis V Joseph de Bourbon-Condé (1736-1818), lequel avait repris le titre de septième prince de Condé abandonné par son père et son grand-père avant lui. La Révolution a mis fin à cette entreprise en la limitant à deux compositions achevées.

Pour préparer le tumulte des charge de cavalerie dans ces deux oeuvres, l'artiste réalise en 1787 plusieurs études de chevaux : Cheval effrayé à la vue d'un serpent (Dijon, musée Magnin), Cheval sellé vu en raccourcis dans un paysage (collection particulière), Cheval sellé vu de profil (galerie Jean-Luc Baroni et Emmanuel Marty de Cambiaire en 2020) et la Tête de cheval noir (collection particulière), la plus proche de notre toile, par ses dimensions et son cadrage identiques. Pour justifier son retard à livrer le Passage du Rhin, l'artiste écrivait à Desvoges le 5 janvier 1792 : "Se sont les études particulières du cheval qui m'ont retardé ... j'en ai fait de très sérieuses". Dès le départ, il les envisage probablement comme des tableaux autonomes pouvant être vendus à des amateurs. Deux d'entre eux, montrant des chevaux entiers, sont destinés, et peut-être livrés, à "Monsieur Calandrin", c'est à dire le banquier genevois François Calandrini (1729-1801).

 

Elève de François Devosge à Dijon, Gagneraux est pensionné à Rome, aux frais de la province de Bourgogne, en 1776. Il décide  de rester dans la ville italienne, se constitue une clientèle française, italienne, puis internationale, reçoit des commandes du roi Gustave III de Suède. A la date de notre toile, en 1787, il est au sommet de sa réputation avec la réalisation du plafond ayant pour sujet Jupiter et Antiope pour la villa Borghèse, unanimement admiré alors. Suite aux émeutes antifrançaises et antirévolutionnaires dans la ville éternelle de 1793, Gagneraux se réfugie à Florence. Plusieurs de ses tableaux et gravures appartiennent au néoclassicisme anacréontique.

 

Par sa présence, le regard semblant évoquer une émotion humaine, notre tableau préfigure la célèbre Tête de cheval blanc de Géricault (musée du Louvre), datée de 1814-1815, laquelle, étonnamment, n'a pas été réalisée d'après nature mais en s'inspirant d'une gravure de Gilles Demarteau d'après Carle Vernet (1800).

Une reprise non signée de notre toile était sur le marché d'art parisien en 2023.