Estimation : 300 000 / 400 000 € - Adjudication : 2 360 600 €

Toile
Hauteur : 71 – Largeur : 71 cm
Restaurations anciennes, déchirures et manques

Vente du 19 décembre 2017 à l’Hôtel Drouot à Paris par Maître Joron-Derem

Notice de l'œuvre

Découverte par Maître Joron-Derem, cette saisissante Sainte Catherine d’Alexandrie était alors totalement inédite. Malgré des déchirures et des manques, la qualité exceptionnelle de cette toile est une évidence. L’éclairage dramatique, le regard pénétrant, la qualité des drapés nous orientent vers la plus fameuse des femmes peintres du XVIIème siècle, Artemisia Gentileschi. Le jeu des ombres et des lumières, le rendu des matières sont des réminiscences du Caravage qui travaille avec son père Orazio Gentileschi au début du XVIIème siècle et qui aura une influence certaine sur son art.  La comparaison avec L’Autoportrait en joueuse de luth (Hartford, Wadsworth Atheneum) corrobore cette intuition presque immédiate : nous sommes en présence d’un autoportrait jusqu’alors inconnu, même si une autre Sainte Catherine, avec de nombreuses variantes, est conservée à la Galerie des Offices à Florence.

Cette dernière est datée vers 1614-16, c'est à dire de la période florentine de l'artiste lorsque l'influence de son père Orazio est encore présente. La composition d'ensemble, à mi-corps, les positions des bras et des mains, et les dimensions sont similaires (76 x 62 cm), mais on note d'importantes variantes. A Florence, la figure est coiffée d'une imposante couronne ornée de pierres de couleur, alors qu'ici elle porte un turban dont un pan de tissu retombe derrière l'épaule ; dans le premier, la palme est plus basse et coupée par le bord gauche de la toile ; enfin la roue dentée est dans l'angle inférieur gauche, sous la main de la sainte et non pas derrière comme ici. Autre changement, sur la toile des Offices, le voile transparent couvre la poitrine et l'épaule gauche, tandis qu'il part de l'épaule droite et s'étend sur la manche droite ici. Notre œuvre peut aussi être rapprochée de l'Autoportrait en martyre (collection privée, 31,5 x 24,5 cm) au cadrage plus serré sur le visage.

Toile après restauration ©National Gallery, London

Pour tous ces tableaux cités, les historiens de l'art ont affirmé qu'il s'agissait d'autoportraits d'Artemisia, ce qui semble aussi être le cas de cette toile. Certains savants ont remarqué qu'Artemisia pouvait s'identifier à la sainte égyptienne, caractérisée par son refus du mariage et de l'autorité et sa volonté de rester vierge. En fait, sainte Catherine d'Alexandrie est souvent représentée au début du dix-septième siècle (Caravage, Madrid, musée Thyssen, vers 1598 ; Guido Reni, Madrid, musée du Prado, vers 1606 ...). Le prénom est populaire à Florence parce qu'il est lié à la famille Médicis, pas seulement la reine de France du XVIème siècle, mais aussi Catarina de' Medicis, sœur du grand-duc Cosme II (1593-1629), présente à la Cour jusqu'en 1617, date de son mariage avec Ferdinand Gonzague, duc de Mantoue. Artemisia a peint à d'autres reprises ce sujet puisque dans une lettre du 11 décembre 1635 à Andrea Cioli, elle déclare terminer une Sainte Catherine. On ne sait malheureusement rien des circonstances de la commande de ce tableau et si le choix de ce sujet est dû à l’artiste ou à son commanditaire.

Détails de l'œuvre

©National Gallery, London

Une spectaculaire restauration une fois acquise

Adjugée à Paris lors de la vente du 19 décembre 2017 par Maître Joron-Derem pour un total de 2 360 600 €, cette Sainte Catherine est finalement acquise par la National Gallery de Londres, et bénéficie d’une spectaculaire restauration qui révèle l’éclat des couleurs et la délicatesse du modelé du visage et des mains, altérés par les vernis.

Sainte Catherine mise à l'honneur lors de la grande exposition consacrée à Artemisia Gentileschi à la National Gallery en 2021

Cette acquisition devient alors le déclencheur de l’exposition Artemisia qui se tient du 3 octobre 2020 au 24 janvier 2021 à la National Gallery de Londres : cette première grande exposition, au Royaume-Uni, sur l’œuvre d’Artemisia Gentileschi réunit de nombreuses œuvres iconiques et permet de mettre en regard différents autoportraits, dont notre Sainte Catherine. ©The National Gallery London