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JACK-PHILIPPE RUELLAN
le 27/01/2018 - PARIS
Raden Syarif Bastaman SALEH (Semarang, Indonésie 1811 ou 1814 - Bogor 1880)
La Chasse au taureau sauvage (banteng)

Raden Syarif Bastaman SALEH (Semarang, Indonésie 1811 ou 1814 - Bogor 1880)
La Chasse au taureau sauvage (banteng)
- Toile
- 110 x 180 cm
- Signée et datée en bas à droite : Raden Saleh 1855
Au revers du châssis, un n° 20ASW à l'encre
Restaurations anciennes et accident
Estimation : 150 000 / 200 000
Provenance :
Collection Jules Stanislas Sigisbert Cézard ;
Sa vente aux enchères à Batavia (aujourdhui Jakarta) le 1er mai 1859 ;
Jules Stanislas Sigisbert Cézard, né à Batavia en 1829, était le fils de riches négociants français qui, associés à J. Schounten & Co, exportaient du café et du sucre et importaient des produits européens. Il fit ses études en France de 1839 à 1852, date à laquelle il retourna à Batavia et se maria avec A. C. Vrede Bik, fille du gouverneur hollandais de lîle Célèbes. Jules Stanislas Sigisbert Cézard reprend le commerce de sucre de son père et de transport vers lEurope. Il est probablement le commanditaire de notre tableau, Raden Saleh étant lui aussi à Batavia depuis 1851. En 1859, il quitta les Indes Orientales pour rentrer en métropole. A cette occasion, il vendit tout le mobilier et les décors intérieurs de sa maison, dont le tableau de Raden Saleh, comme lannonce le journal Java-Bode du 30 avril 1859 : « een schilderstuk van Raden Saleh voorstellende eene banteng Jagt » (cet historique nous a été indiqué par le Dr Werner Kraus).
Raden Saleh est le premier artiste moderne des Indes orientales néerlandaises. Célèbre au milieu du XIXème siècle, sa renommée a grandi ces vingt dernières années au fil des redécouvertes de ses tableaux. Après la rétrospective au Lindenau-Museum dAltenburg en 2013, il fait actuellement lobjet dune exposition à Singapour (Between worlds : Raden Saleh and Juan Luna, National Gallery Singapore, 16 novembre 2017- 11 mars 2018).
Montrant des dispositions pour le dessin, le jeune prince Raden Saleh fut envoyé à Batavia par son oncle, le régent de Semarang (sur lîle de Java), pour étudier auprès du peintre belge Antoine Payen (1792-1853). Il obtint une bourse du gouvernement néerlandais en 1829, afin de compléter sa formation à Amsterdam avec le portraitiste Cornelis Kruseman (1797-1857) et le paysagiste Andreas Schelfhout (1787-1870). Il vécut en Hollande jusqu'en 1839, puis fit un voyage d'étude de six mois en Europe. Après avoir visité la France, la Suisse, l'Angleterre, l'Ecosse et l'Allemagne, lartiste s'installa à Dresde durant quatre ans. Contrairement aux discriminations quil avait subies dans la Hollande conservatrice, Raden Saleh était considéré à la cour de Saxe comme un personnage particulièrement fascinant, cultivé et exotique, et fut un proche du duc Ernest II de Saxe-Cobourg et Gotha (1818-1893). Il rencontra alors le sculpteur danois Berthel Thorvaldsen (1770-1844) et le peintre norvégien Johann Christian Dahl (1788-1857), dont l'influence est perceptible dans ses paysages.
En 1845, il partit pour Paris où il loua un atelier au 31, avenue des Veuves (connue sous le nom actuel davenue Montaigne). Il rencontra enfin Horace Vernet, quil appréciait depuis longtemps, dans son atelier à Versailles (il l'accompagna peut-être plusieurs mois en Algérie en 1849). Le comte de Pourtales lui acheta deux tableaux. Il commença à peindre une large toile, La Chasse au cerf, destinée au roi de Hollande, ainsi quune Chasse au tigre qui fut achetée en 1846 par le roi Louis-Philippe sur les conseils de sa fille Clémentine pour deux mille cinq cents francs, une somme très élevée (l'uvre a probablement disparu lors de la destruction du château de Neuilly en 1848). En 1847, la Chasse au cerf dans lîle de Java exposée au Salon (239 x 346 cm) reçut un accueil très favorable du public et de la critique (Théophile Gautier le compare aux grands peintres animaliers de l'époque). Acquis par le roi pour trois mille francs, ce tableau est actuellement conservé à la mairie de Saint-Amand-Montrond dans le Berry (dépôt du Louvre).
En 1851, après plus de vingt ans en Europe, Raden Saleh retourna en Indonésie avec son épouse, une riche néerlandaise. En tant que premier artiste formé en Europe, il reçut de nombreuses commandes de l'aristocratie javanaise et fut nommé conservateur de la collection artistique de l'administration coloniale néerlandaise. En 1869, il offrit deux tableaux à Napoléon III en guise de remerciement pour laccueil quil avait reçu en France. Ils furent accrochés au palais des Tuileries, mais leur présence à Paris ne fut que de courte durée puisque la guerre franco-prussienne éclata peu de temps après et ils furent détruits dans lincendie du palais. L'artiste retourna brièvement en Europe entre 1876 et 1878, mais constatant que le goût artistique avait changé et que son travail était moins à la mode, il rentra en Indonésie, où il mourut quatre ans plus tard. Dix-neuf de ses peintures étaient montrées dans l'Exposition Coloniale de 1883 à Amsterdam. Il est également à noter que plusieurs de ses uvres ont été perdues dans un incendie qui a détruit le pavillon néerlandais de l'Inde orientale à l'Exposition Coloniale Internationale à Paris en 1931.
Saleh a peint des portraits (plusieurs sont aux Rijksmuseum dAmsterdam), des marines, mais ce sont surtout les représentations danimaux exotiques et les chasses de grand format qui font son originalité et pour lesquelles il était apprécié. Il ne s'agit pas de reconstitution fantaisiste, mais de scènes auxquelles il a réellement participé. Il a assimilé les combats danimaux de la sculpture antique, les gravures daprès Stubbs, lénergie de la bataille dAnghiari de Léonard et les grandes chasses de Rubens, de Delacroix. Ses compositions en frise dans un vaste paysage ont été marquées par les Chasses de son ami Horace Vernet (par exemple La chasse aux sangliers dans la plaine de Sahara de 1835), quil a su réinterpréter et adapter à son héritage javanais.
Notre tableau est ainsi une découverte spectaculaire et exceptionnelle à ajouter à son corpus de Chasses. Le peintre a situé cette scène dans la steppe Alang-Alang de Java et sest représenté par son autoportrait au centre de la composition, sur le cheval brun, attaquant le taureau avec son klewang, une épée à bord unique. Parmi ses tableaux exotiques citons : La Chasse aux lions de 1841 conservée au musée des Arts Etrangers de Riga (toile, 142 x 88 cm), La Chasse aux tigres de 1846 en collection privée (183 x 291 cm), La Chasse au lion (toile, 88 x 119 cm, vente anonyme, Cologne, 17 novembre 2005 (Van Ham Kunstauktionem), n° 1714) ou encore Six javanais qui poursuivent des cerfs (1860, Washington, Smithsonian American Art Museum, toile, 106 x 188 cm). Certaines de ses uvres ont été tirées en lithographie.
Notre tableau représente une Chasse au Bateng. En effet, au cours de la poursuite dun autre gibier, un cerf ou un tigre, ce buffle sauvage est dérangé et charge le groupe. Saleh a traité ce sujet au moins à trois reprises (collection du gouvernement indonésien - 1840 ou 1841, offert par la RDA en 1965 - ; Leipzig, Museum der Bildenden Künste -1842 - ; Bali, collection du gouvernement indonésien - 1851, provenant des collections royales hollandaises, donné par la reine Juliana en 1970-).
On connaît une esquisse pour notre tableau en collection privée à Hambourg en 1989 (panneau, 38 x 58 cm, fiche RKD n°0000152709, permalink 108794).
Nous remercions Madame Marie-Odette Scalliet, M. Werner Kraus pour laide quils nous ont apportée dans la rédaction de cette notice.
FICHE EN ANGLAIS
Provenance:
Collection Jules Stanislas Sigisbert Cézard, Batavia (Jakarta nowadays);
Auction at Batavia on the 1st May 1859.
Jules Stanislas Sigisbert Cézard, born in Batavia in 1829, is the son of wealthy French traders who were associated to J. Schouten & Co. They export coffee and sugar and import European products. He makes his studies in France from 1839 to 1852, when he comes back to Batavia. He marries there A.C. Vrede Bik, the daughter of the Dutch governor of the island Celebes. Jules Stanislas Sigisbert Cézart takes over his fathers sugar trade and transport to Europe. He might have been the commissioner of our painting as the artist has been precisely also in Batavia since 1851. In 1859, he leaves the Dutch India to return to the metropolis. On this occasion, he sells all his furniture and the interiors of his house including a painting of Raden Saleh as announces the newspaper Java-Bode of the 30th April 1859: een schilderstuk van Raden Saleh voorstellende eene banteng Jagt (This historical has been pointed out by the Dr Werner Kraus).
Raden Saleh is the first modern artist in the Oriental Dutch India. Well-known in the mid-XIXth century, his fame has grown this last twenty years thanks to the rediscoveries of his paintings. After the retrospective at the Lindenau-Museum of Altenburg in 2013, he is actually the subject of a monographic exhibition at Singapour (Between worlds : Raden Saleh and Juan Luna, National Gallery Singapore, November 16th, 2017- March 11th, 2018).
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Showing a leaning for drawing, the young prince Raden Saleh was sent to Batavia by his uncle, the regent of Semarang (on the island of Java), in order to study beside the Belgian painter Antoine Payen (1792-1853). He got a grant from the Dutch government in 1829 to complete his formation at Amsterdam with the portraitist Cornelis Kruseman (1797-1857) and the landscapist Andreas Schelfout (1787-1870). He lived in Holland until 1839, then he made a study trip during six months in Europe. After having visited France, Switzerland, England, Scotland and Germany, the artist settled in Dresden for four years. Contrary to the discriminations he suffered from the conservative Holland, at the court of Saxe, Raden Saleh was considered as a particularly fascinating character, cultivated and exotic, and was a relative of the duke Ernest II of Saxe-Cobourg and Gotha (1818-1893). He met the Danish sculptor Berthel Thorvaldsen (1770-1844) and the Norvegian painter Johan Christian Dahl (1788-1857) whom influence is clear in his landscapes.
In 1845, he left for Paris where he rented a workshop at the 31st, avenue des Veuves (actually known under the name of the avenue de Montaigne). He met finally Horace Vernet, whom he appreciated for a long time, in his workshop in Versailles (he may have accompanied him for several months in Algeria in 1849). The count of Pourtales bought him two paintings. He began to paint a wide canvas, The Hunt to the stag, destined to the king of Holland, as well as a Hunt to the tiger which was bought in 1846 by the king Louis-Philippe upon the advice of his daughter Clémentine for two thousands and five hundred francs, a very high price (the work may have disappeared during the destruction of the castle of Neuilly in 1848). In 1847, the Hunting to the stag in the island of Java exhibited to the Salon (239 x 346 cm) received a very favourable welcome from the public and from the critics (Théophile Gautier compared him to the great animal painters of the time). Acquired by the king for three thousands francs, the painting is nowadays conserved at the town hall of Saint-Amand-Montrond in the Berry (store of the Louvre).
In 1851, after more than twenty years in Europe, Raden Saleh came back to Indonesia with his wealthy Dutch wife. As first artist formed in Europe, he received lots of commands from the Javanese aristocracy and was named conservator of the artistic collection of the Dutch colonial administration. In 1869, he offered two paintings at Napoléon III as thanks for the welcome he received in France. The two paintings were hung in the palace of the Tuileries but its presence in Paris was only for a short time. Indeed the war between French and Prussian troops broke out a short time after so both were destroyed in the fire of the palace. The artist came back shortly in Europe between 1876 and 1878 but he realized that artistic taste has changed so his work was less fashionable. Thus he came back to Indonesia where he died four years later. Nineteen of his paintings were shown at the Colonial Exhibition in 1883 in Indonesia. We can also notice that several of his paintings have been lost in a fire which destroyed the Netherlandish pavilion of the Oriental India at the International Colonial Exhibition at Paris in 1931.
Saleh has painted portraits (several are in the Rijksmuseum at Amsterdam), seascapes, but mostly representations of exotic animals and hunts of big format in which lies his originality and for which he was appreciated. It is not about fanciful reconstitution but about realistic scenes in which he really participated. He has learned animal fights from antique sculpture, illustrations from Stubbs, the energy from The Battle of Anghiari by Léonard and the great hunts from Rubens and Delacroix. His compositions in frieze in a vast landscape have been influenced by the Hunts from his friend Horace Vernet (for instance The Hunt to the wild boars in the plains of Sahara in 1835), which he has known to reinterpret and adapt to his own Javanese legacy.
Our painting is also a spectacular and outstanding discovery to add to his corpus of Hunts. The painter has located the scene in the Alang-Alang steppe of Java. He represents himself by his auto-portrait in the centre of the composition, on a brown horse, attacking a bull with his klewang, a sword with only one edge. Among his exotic paintings, we can mention: The Hunt to the lions of 1841 conserved at the Foreigner Arts Museum in Riga (oil, 142 x 88 cm), The Hunt to the tigers of 1846 in private collection (183 x 291 cm), The Hunt to the lion (oil, 88 x 119 cm, anonymous auction, Cologne, 17th November 2005, Van Ham Kunstauktionem, n°1714) or Six Javanese who pursue stags (1860, Washington, Smithsonian American Art Museum, oil, 106 x 188 cm). Some of his works have been printed in lithography.
Our painting represents a Hunt to the Bateng. Indeed, while pursuing another game, a stag or a tiger, this buffalo is disturbed and charges the group. Saleh has treated this subject at least three times (collection from the Indonesian government 1840 or 1841, offered by the RDA in 1965; Leipzig, Museum der Bildenden Künste 1842-; Bali, collection from Indonesian government 1851, from the royal Dutch collections, given by the queen Juliana in 1970-).
We know a sketch for our painting in private collection at Hambourg in 1989 (panel, 38 x 58 cm, fiche RKD n°0000152709, permalink 108794).
We thank Mrs. Marie-Odette Scalliet, M. Werner Kraus and Mr. Syed Muhammad Hafiz for the help they have brought us in the redaction of this note.
HOTEL DES VENTES DE SENLIS sarl
le 27/10/2019 - PARIS
Cenni di Pepo dit CIMABUE ( Connu de 1272 à 1302 )
Le Christ moqué

Cenni di Pepo dit CIMABUE ( Connu de 1272 à 1302 )
Le Christ moqué
- Peinture à l'oeuf et fond d'or sur panneau de peuplier
- 25,8 x 20,3 cm
- Sans cadre
- PROVENANCE
Collection particulière, Compiègne
Estimation : 4 000 000 / 6 000 000
La vie de ce peintre florentin, premier véritable grand créateur de lart pictural toscan, prémisse de lart occidental à la fin du XIIIe siècle, nest que très peu documentée. Considéré comme le maître de Giotto à Florence et émule du jeune siennois Duccio, Cimabue fut loué au long des siècles par lhistoriographie ancienne, depuis son contemporain Dante jusquà Villani, Boccace, Ghiberti et Vasari aux XIVe, XVe et XVIe siècles. En 1272 il se trouve à Rome où il est cité comme témoin dans un acte notarié ; on sait également quen 1301 il reçoit la commande dun retable (perdu) pour léglise de lhôpital Santa Chiara de Pise et quil exécute en mosaïque la figure de saint Jean pour la coupole de la cathédrale de cette commune, avant dy mourir en 1302. Ses héritiers habitent Fiesole.
On ne lui connaît aucune oeuvre signée. Bien que le corpus de ses oeuvres et leur datation aient fait lobjet de polémiques entre les historiens, on saccorde généralement à lui reconnaître une dizaine doeuvres sûres exécutées sur bois, à fresque ou en mosaïque dont Luciano Bellosi en 1998 a dressé la chronologie dans son importante monographie quil lui a consacrée, chronologie reprise en 2011 par Dillian Gordon:
Trois Maestà de grand format ou Vierge et lEnfant en trône
- pour Pise, église San Francesco (Paris, Musée du Louvre), vers 1280
- pour Florence, église Santa Trinita (Florence, Offices)
- pour Bologne, église Santa Maria dei Servi
Les fresques du choeur, de la voûte centrale et du transept droit, vers 1277-80 pour Assise, église supérieure de la Basilique San Francesco
Deux Crucifix monumentaux
- à Arezzo, église San Domenico, vers 1260
- à Florence, église Santa Croce peint avant les fresques dAssise
- Une mosaïque à la cathédrale de Pise, Saint Jean déjà cité, en 1301-1302
Hormis le Crucifix dArezzo peint pour les dominicains, Cimabue a essentiellement collaboré avec les franciscains.
Lexceptionnelle découverte du Christ moqué permet de poursuivre la reconstitution de lunique oeuvre de dévotion de faibles dimensions que lon a pu récemment ajouter au catalogue des oeuvres dues au pinceau de Cimabue et dont deux autres scènes, la Flagellation du Christ et la Madone et lEnfant en trône entre deux anges ont rejoint, en provenance du marché de lart en 1950, la Frick Collection de New York et en 2000 la National Gallery de Londres (NG. 6583).
Cest à Dillian Gordon (2011) que lon doit létude exhaustive de ces deux premiers tableaux et la proposition de reconstitution de loeuvre à laquelle ils ont appartenu, que vient très heureusement de rejoindre ce nouveau panneau.
Avant leur entrée respective dans ces musées, ces deux tableaux étaient conservés dans des collections particulières. Pour la Madone, nous savons que son acquisition a dû être faite par les barons Gooch entre 1850 et 1933 et quelle a peut-être appartenu auparavant à la collection Francis Douce (1757-1834) par lintermédiaire de Carlo Lasinio le marchand, collectionneur et conservateur du Campo Santo de Pise. En 2000 le tableau fit lobjet dune transaction privée et entra définitivement à la National Gallery de Londres (cf. Gordon, p.38, n.38).
La Flagellation fut acquise en 1950 auprès de la Galerie Knoedler à Paris après avoir été présentée chez les marchands parisiens G.Rolla puis E.Moratilla (Cf . J.H.Stubblebine, Vol. 1 p.128)
Quant à notre panneau on ne connaît ni la date ni le lieu de son acquisition par la famille des actuels propriétaires qui le considéraient comme une icône.
ARTCURIAL
le 13/11/2019 - PARIS
Artemisia GENTILESCHI (1593 - 1652)
Lucrèce

Artemisia GENTILESCHI (1593 - 1652)
Lucrèce
- Toile
- 95,5 x 75 cm
- Restaurations anciennes
Estimation : 600 000 / 800 000
Bibliographie : catalogue de l'exposition : "Cléopatre dans le miroir de l'art occidental", Genève, musée Rath, 28 mars - 1 août 2004 p.110 , Cat.20 comme Artémisia Gentileschi
provenance : Acquis à Cannes dans les années 1980 par l'actuel propriétaire, Lyon collection particulière.
Tite-Live a raconté l'histoire de Lucrèce, belle et vertueuse épouse du général et consul L Tarquinus Collentius. Soumise au chantage et violée par Sextus, le fils du roi Tarquin, elle affirma son innocence en se suicidant, ne pouvant accepter de vivre dans le déshonneur. Ce crime amena la révolte du peuple romain et eut pour conséquence la fin de la monarchie tyrannique et l'instauration de la République. Sujet politique s'il en est, le thème d'une femme outragée et luttant pour son honneur ne pouvait que résonner dans le cur d'Artemisia dont le viol par Agostino Tassi en 1611 avait donné lieu à un procès public.
Elle a d'ailleurs peint ce sujet à plusieurs reprises, à mi-corps (Milan, collection Etro, vers 1623-1625), en pieds (Naples, museo de Capodimonte, vers 1642 - 1643) Elle reçoit d'ailleurs le paiement de 600 ducats du prince Karl Eusebius de Liechenstein pour lexécution de trois tableaux dont une Lucrèce de 11 palmes de hauteur (soit 290 cm) et l'un de ses derniers tableaux est sur le thème de Tarquin et Lucrèce (Postdam, Neues Palais)
Comme plusieurs autres femmes fortes de l'Antiquité, Judith ou Cléopâtre, le thème de Lucrèce a été privilégié par de nombreux artistes de la Renaissance et de l'âge baroque.
Si Artemisia retient du caravagisme le cadrage à mi-corps et la figure nettement détachée sur un fond noir, le peintre intègre les nouveautés du baroque romain et napolitain par le mouvement et par son érotisme qui évoque les héroïne de Cagnacci,
On rapprochera notre figure de l'Esther et Assuérus (New York, Metropolitan Museum), ce qui situe notre toile dans les années 1630, au cours de son premier séjour napolitain (1630-1638). La pose "da sotto", en diagonale, avec la tête penchée évoque les niobides sculptées, un modèle très présent chez notre peintre.
Maître Hugues Cortot et associés
le 30/11/2019 - PARIS
MAÎTRE DE VISSY BROD, Bohême vers 1350
La Vierge te l'Enfant en trône, panneau de dévotion

MAÎTRE DE VISSY BROD, Bohême vers 1350
La Vierge te l'Enfant en trône, panneau de dévotion
- Peinture à loeuf sur panneau de bois fruitier
- 22 x 20 cm
- Sans cadre
- Épaisseur 1.4cm
- Petits manques et restaurations anciennes
Estimation : 400 000 / 600 000
ETAT
Le panneau a été sectionné sur ses quatre côtés faisant disparaître les bords à nu sur lesquels sadaptait le cadre dorigine et toutes traces éventuelles de crochets qui auraient indiqué que cette oeuvre ait pu être le volet dun diptyque. En labsence de ces indices nous considérons quil sagit dun panneau de dévotion indépendant.
Revers : La peinture de cette partie est entièrement dorigine. En trompe-lil, elle imite le marbre et présente des soulèvements et des manques laissant visibles la toile noyée dans la préparation ainsi que le bois mis à nu au centre sur une petite surface, peut-être lors de la découpe dun ancien cachet de cire.
Au recto, le fond noir du tableau ainsi que les étoiles en relief entourant la Vierge et lEnfant sont danciens repeints et ajouts postérieurs. La surface picturale des saints personnages, du trône et du drap dhonneur rouge et or servant de dossier sont dorigine. Quelques petits manques visibles, comblés pour certains à la peinture noire, dans lauréole et la couronne de la vierge.
INSCRIPTION
Au revers et tracée à lencre dans une écriture fin XIXe ou début du XXe siècle : Cimabué (sic)
STYLE
La vierge, la tête voilée couronnée et auréolée, est somptueusement vêtue de draperies fluctuantes au coloris vibrant enveloppant son corps. Elle est assise sur un trône architecturé dont le dossier est actuellement formé dune somptueuse tenture frangée et ornée de motifs végétaux dorés peints sur fond rouge. La tête auréolée du nimbe crucifère, le corps vêtu dune tunique rose, lEnfant gesticulant est maintenu sur la gauche dans le giron de sa Mère ; de sa main droite, il tient fermement le pouce de cette dernière, tandis que de la gauche il tente de saisir son propre pied. Les deux personnages sacrés sont intimement et tendrement liés par les regards.
Dans létat actuel de la peinture, la draperie du trône flotte sur le fond noir, sans points daccroche. Il faut sans doute penser que le trône était à lorigine un édicule avec des colonnes supportant des arcades où la tenture était fixée . Nous pouvons avoir une idée approchante de la composition en considérant les exemples de panneaux similaires appartenant à la peinture du « gothique international » de Bohême au milieu du XIVe siècle. Car cest à cette période et dans cette région quil faut effectivement situer lexécution de ce petit panneau dont cest ici la première publication.
A cette époque, Charles IV (1316-1378), roi de Bohême et futur empereur du Saint Empire Romain Germanique, grand chrétien, lettré, lié par son éducation à la France (il est en relation avec la papauté en Avignon) et à lAllemagne, décide détablir sa capitale à Prague quil va agrandir et embellir. Sortent alors de terre la cathédrale Saint-Guy (1344-1420) le château de Karlstein (1348-1365), luniversité de Prague (1348) ainsi que de nombreux couvents. Maîtres duvre, ateliers dartistes peintres, sculpteurs, maîtres verriers, dorigine locale ou venus de France, dAngleterre et de Germanie et réunis en corporations, vont prêter leur concours à la transformation de la ville. Notre tableau sinsère dans ce mouvement novateur, plus particulièrement dans la production de latelier du maître anonyme dit « de Vissy Brod » (prononcer vichi) auquel sont attribués neuf panneaux illustrant des scènes christologiques, conservés autrefois au couvent cistercien éponyme situé au sud de la Bohême et actuellement conservés à Prague (Galerie Nationale, en dépôt au couvent de Sainte-Agnès ; cf. A. Kutal, Gothic art in Bohemia and Moravia, Londres, New York 1971, p.49-106, fig.64). La qualité de ces neuf panneaux (95cm x 85,5cm chacun) étant inégale, la critique considère que seuls quatre dentre eux ont été réalisés par le maître lui-même : lAnnonciation, la Nativité, lEpiphanie et la Résurrection, le reste revenant à la main daides (cf. R. Berens, Le Maître de Vissy Brod, Luxembourg, 1990, figs.1,2,3,7). Au bas de la Nativité, le peintre a placé la représentation du donateur de la série, un membre de la famille Rozmberk, peut-être Pierre Ier disparu en 1347, identifié par le blason placé devant lui, personnage important du royaume, protecteur du monastère de Vissy Brod dont il présente la maquette à la Vierge (cf. Klipa, « Altarpiece from Vissy Brod » in S. Chlumska, A. Pokorny, R. Sefcu, « What the eyes cannot see, Underdrawing in 14th-16th century panel paintings from the collection of the National Gallery in Prague » Prague 2017, cat.5, p. 76-79 repr.)
Influencé par larchitecture et lenluminure gothiques françaises, mais aussi par lart italien et plus spécialement siennois qui, à la suite de Simone Martini, se développe à cette période à la cour papale dAvignon, le style de ces panneaux donne la primauté à lexpression linéaire et fastueuse des drapés rehaussés déléments orfévrés, le tout réalisé dans une palette chromatique raffinée aux tonalités chatoyantes et vibrantes. La douceur des expressions remplies daménité, lélégance des gestes caractérisent ces uvres qui, même dans les scènes dramatiques nont rien dexcessif, offrant une vision de douleur intériorisée et apaisée. Cest un art attaché, non seulement aux fastes de cour, mais aussi aux réalités de la nature souvent décrite avec naïveté et sens de lobservation. Malgré le goût marqué pour la calligraphie, les formes corporelles sous- jacentes sont mises en évidence par léclairage qui les modèle, leur donne vie et mouvement. Les visages dévoilent la même volonté de traduire les volumes et les expressions par les passages de lombre à la lumière.
Lensemble des personnages évolue dans certaines scènes au sein darchitectures où lespace se décline en autant de structures élégantes et complexes. Le dessin minutieux des colonnettes, arcades et anfractuosités crée parfois un dédale denchevêtrements, comme en témoigne le trône de la Madone dans la scène de lAnnonciation de Vissy Brod (Prague, Galerie Nationale) ou celui de la Madone de Glatz (Berlin, Gemäldegalerie, inv. 1624), autre uvre de ce même atelier. On remarquera également lextrême soin apporté à lornementation : lor gravé ou peint à la coquille rehausse les tentures, les draperies, les soutaches des vêtements, comme le manteau de lAnge Gabriel dans lAnnonciation, la robe du Christ sous son manteau blanc ou encore létendard flottant quIl tient dans la Résurrection. Les motifs floraux se retrouvent dans le manteau de lEnfant dun autre panneau daté avant 1350 : la Madone de Most (Prague, Galerie Nationale VO 10721). Remarquons leur réapparition dans la tenture servant de dossier au trône de la Vierge dans notre panneau.
Tous les caractères cités sont mis en évidence dans notre panneau : que lon compare les visages de notre Madone avec ceux de la Madone dans lAnnonciation, la Nativité ou dans le panneau de Berlin, la cadence et lélégance du dessin des draperies, les similitudes dexpression et dexécution, la richesse de lornementation, indiquent la facture de la main délicate du Maître de Vissy Brod uvrant vers 1350 pour un commanditaire particulier.
Les examens techniques menés récemment sur ce panneau ont révélé la composition initiale et le travail de préparation sous-jacent mettant en évidence une architecture élaborée autour du trône avec arcades ouvertes où le drap dhonneur saccroche de manière beaucoup plus assurée et plausible que ce que lon voit actuellement, en conformité avec la majorité des panneaux et des miniatures de cette époque et de cette région (cf. Shlumskà, Pokorny, Sefcu, op.cit. 2017 et A. Erlande-Brandenburg, La Bible de Prague, 2e moitié du XIVe siècle, Paris 1989, miniature de la lettrine D représentant le roi Wenceslas et Sophie de Bavière en trône). Ces investigations ont également permis dassurer que le panneau a été légèrement réduit en partie haute, comme lattestent la galerie darcades actuellement coupée et les galeries dinsectes mises à jour sur la tranche.
Nous remercions chaleureusement Madame Olga Pujmanova, conservateur honoraire de la Galerie Nationale de Prague et Jan Klipa spécialiste de la peinture gothique à lInstitute of Art History, Czech Academy of Sciences in Prague, qui ont confirmé de visu lattribution de notre panneau au Maître de Vissy Brod et fait part de nombreuses suggestions.
Le tableau sera publié par Jan Klipa dans un article à paraître dans la revue Umeni / Art, vol. LXVII, / 2019, n°3.
L'oeil des Talabardon et Gautier
Vente Ader les 21 et 23 mars 2023
Claude Joseph VERNET, Vue des galères de Naples
Vente à Paris, le 21 juillet 2022 - ADER
Vinchon, 86 vues de plein-air
Vente à Amboise, le 3 juillet 2022 - DAGUERRE Val-de-Loire
SOLIMENA, Le Triomphe de la Foi et la gloire des Dominicains
Vente à l'espace Tajan, le 22 juin 2022
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Raden Syarif Bastaman SALEH (Semarang, Indonésie 1811 ou 1814 - Bogor 1880)
La Chasse au taureau sauvage (banteng)
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Cenni di Pepo dit CIMABUE ( Connu de 1272 à 1302 )
Le Christ moqué
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Artemisia GENTILESCHI (1593 - 1652)
Lucrèce
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MAÎTRE DE VISSY BROD, Bohême vers 1350
La Vierge te l'Enfant en trône, panneau de dévotion
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CATALOGUE DE VENTE
Raden Saleh, Vue du Megamendung
Vente Daguerre, le 2 décembre 2021 à Drouot
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Dossier de presse
Raden Saleh, Route descendant du mont Megamendung
Vente Daguerre, le 2 décembre 2021 à Drouot
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FRANCE CULTURE : Affaires Culturelles
Comment un tableau de grand maître peut-il avoir disparu pendant deux siècles ?
AFFAIRE EN COURS par Marie Sorbier, le 29 juin 2021 sur France Culture
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CATALOGUE DE VENTE
FRAGONARD, un chef d'oeuvre retrouvé
Vente à Épernay, Maître Petit
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Présentation d'oeuvres
L'oeil des Talabardon et Gautier
Vente Ader les 21 et 23 mars 2023
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Présentation d'oeuvre
Claude Joseph VERNET, Vue des galères de Naples
Vente à Paris, le 21 juillet 2022 - ADER
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Présentation d'oeuvres
Vinchon, 86 vues de plein-air
Vente à Amboise, le 3 juillet 2022 - DAGUERRE Val-de-Loire
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Présentation d'oeuvre
SOLIMENA, Le Triomphe de la Foi et la gloire des Dominicains
Vente à l'espace Tajan, le 22 juin 2022